Rencontre avec Xinobi à Europavox

Lumière électro made in Lisbonne

Artistes
Publié le 03/09/2022 • 7 minutes
Un article de Thomas B.

Cette année le Festival Europavox mettait le Portugal à l'honneur en invitant une flopée d'artistes lusitaniens (Nenny, Xinobi, Surma et Pongo)

Thomas notre rédacteur et reporter tout terrain y était et en a profité pour rencontrer le DJ, producteur et multi-instrumentiste Xinobi. Originaire de Lisbonne, Xinobi (aka Bruno Cardoso) venait défendre son dernier album 'Balsame' devant le public de Clermont et aussi enregistrer une session filmée pour Arte Concert. 

Artiste de la génération DIY, il a commencé par le punk-rock et le skate entre potes et propose aujourd'hui une musique électro unique qui brasse des influences ultra larges (entre house, fado, psyché…). Depuis 2007, lui et son compère Moullinex sont à la tête du label Discotexas et portent la nouvelle génération de l'électro portugais. À eux deux, ils font vibrer Lisbonne avec un son multicolore et ultra éclectique. 

On avait très envie qu'ils nous parle de son parcours de sa musique et aussi qu'ils nous fasse quelques reccos… Il ne nous a pas déçu !

Thomas : Salut Xinobi, qu’est ce qui t’amène à Europavox ?

Xinobi : Je crois qu’un ou une des programmateurs du festival a apprécié mon dernier album, en particulier certaines chansons en français. Enfin, là je spécule un peu. Ils ont dû se dire que ma présence aurait du sens du fait de cette connexion France-Portugal. Un artiste portugais avec des chansons en français, quelqu’un a dû trouver ça parfait. Mais je ne suis pas sûr, c’est peut-être autre chose ! (rires)

Qu’est-ce qui te lie à la France ?

Mon épouse est française, certains de mes héros dans l’électro sont français. Etienne de Crécy, Daft Punk… ce sont eux qui m’ont donné envie de me lancer dans la musique électro. 

J’ai lu qu’au lycée tu faisais de la musique dans un groupe de rock ?

Oui c’est vrai ! C'est mon premier amour ! J’aime toujours le rock, le punk, le métal… j’aime un peu tous les styles. L’électro c’est le plus facile à faire pour moi en ce moment puisque je ne dépends que de moi-même.

…Et des machines !

Exactement (rires). Donc oui, j’ai commencé dans un groupe de rock à jouer dans des squats, dans des clubs miteux sans être payé, à voyager beaucoup sans pouvoir dormir… Mais je vivais ma meilleure vie ! Je jouais la musique que j’aime avec mes amis. Ensuite, c’est à cette époque vers la fin des années 90 que j’ai commencé à comprendre que je pouvais faire des trucs cools dans la musique électro. J’étais tellement curieux de comment faire de l’électro… Ça m'obsédait ! A un moment je rentrais de l’école et je me mettais directement sur ma musique sans faire mes devoirs. Finalement c’est devenu mon métier.

 

À cette époque tu pensais déjà créer un label ?

Non je n’avais rien calculé. Je voulais juste faire. En fait, avec le recul, j’aurais peut-être pu commencer une sorte de carrière plus tôt mais je faisais juste ça pour le plaisir. À un moment, quand Myspace est apparu, j’ai mis des morceaux en ligne et certaines personnes ont commencé à s’intéresser. Je me suis dit “quoi ? qu’est ce qui se passe ?” Et c’est devenu un peu plus sérieux. J’ai essayé de sortir des titres chez plusieurs labels… mais personne n’en voulait ! Donc j’ai fini par fonder mon propre label (Discotexas, NDLR). C’est l’histoire de la plupart des labels d’ailleurs : tu es artiste, tu veux publier ta musique, personne n’en veut alors tu crées la plateforme pour ça. Et pour moi c’est parfait ! J’ai un contrôle complet sur ma musique.

On revient en 2022, cette année tu as sorti un nouvel album baptisé ‘Balsame’ qui mélange beaucoup d’influences électro, de la musique portugaise et il y a même des chansons en français. Tu vas jouer des morceaux de l’album durant ton set ?

Oui ! Une grande partie du set, 70% je dirais, vient de l’album ‘Balsame’.

Comment as-tu préparé le live ? Tu as retravaillé certaines pistes ?

Pour être totalement transparent, on utilise des backing tracks pour tous les instruments qu’on ne peut pas jouer en live. Donc on a la guitare, la basse et la voix et on joue par-dessus les backing tracks. Si je voulais jouer ma musique avec tous les instruments il faudrait un orchestre de 50 personnes sur scène et c’est impossible. Donc pour nous c’est une combinaison parfaite en tournée. Les backing tracks demandent aussi un travail de préparation. Tu assembles tout à la maison et ensuite tu joues par-dessus. Ça donne un set hybride entre DJ et live.

Xinobi - Europavox Sessions - @ARTE Concert

Les membres du groupe ont-ils participé à l’élaboration de l’album ?

Les chanteuses oui, et en fait, même le bassiste était en studio avec nous sur certains morceaux. Tous étaient impliqués d’une manière ou d’une autre, soit en enregistrant soit en m’encourageant, genre “aller il faut que tu le fasses”. Dans l’équipe, il y a certains de mes meilleurs amis et mon épouse donc c’est génial ! C’est comme être en famille mais en tournée.

Si on parle du présent, de ton projet, du label, est-ce que tu te projettes vers le reste de l’année ou même 2023 ?

Une chose que j’ai apprise durant la pandémie, c’est qu’il ne faut pas faire de plans trop en avance tellement il y a d’éléments qui peuvent arriver et te faire tout annuler. Bien sûr, j’ai prévu de sortir des sons, de tourner autant que possible, mais je n’ai pas envie de délimiter précisément les choses. J’aime bien aussi l’idée de “go with the flow”. Comme je vais être papa, je vais de toute façon devoir m’arrêter pendant un temps, genre quelques mois. Mais ensuite, d’ici fin 2022, début 2023 je serai de nouveau sur la route. Et avec des nouveaux sons, ça c’est certain ! J’ai beaucoup de titres à sortir… (rires)

Tu parlais de suivre le flow, tu es dans un bon état d’esprit en ce moment ?

Oui carrément ! Bon aujourd’hui je suis crevé mais en général, ces derniers temps je me sens super heureux.

Y a-t-il des artistes qui t'ont marqué récemment ou avec qui tu aimerais collaborer ?

Il y a plein de bon trucs qui sortent dans l’électro maintenant. Tu as les gars de Kinda Music en Allemagne qui deviennent connus sans devenir mainstream. Un mec que j’admire c’est Toto Chiavetta.  Il y a aussi Trikk un portugais incroyable. Mon partenaire de label Moulinex est aussi une grosse influence pour moi, et je collabore régulièrement avec lui…  C’est très difficile de lâcher des noms du tac au tac, j’oublie toujours des gens !

En 2011, tu as remixé le titre ‘Still Sound’ d’un certain Toro y Moi. Entretemps il est devenu assez connu et son dernier album ‘Mahal’ a fait un vrai carton. Tu t'y attendais ?

Il était déjà en train de percer à l’époque. Le plus drôle dans l’histoire c’est qu’il n’a pas accepté le remix. (rires) Le label nous avait envoyé les différentes parties du titres, j’ai fait mon remix et ils m’ont dit “ah c’est vraiment bien, on va le montrer à l’artiste”. Et il a dit non. J’étais vraiment triste… Je me suis dit que c’était peut-être juste nul, que le remix n'était pas bon. Aujourd’hui quand je le réécoute je me dis que j’aurais pu faire mieux. Mais peut-être qu’à cette époque j’étais à mon max… Je ne sais pas. Peut-être que je ne savais faire mieux ou que je me disais que c’était bien comme ça.

Qu’est ce qui t’a plu dans le morceau ?

Le morceau original est une bonne chanson pop sans être cheesy. Une vraie chanson bien écrite, bien catchy et en même temps mesurée, plutôt calme. Contrairement à la pop où d’habitude tout est hyper fort, où chaque piste doit être mise en avant, là c’est tranquille et ça sonne quand même super bien, c’est agréable à l’oreille. J’adorais le morceau, donc c’est moi qui ai fait la demande pour le remixer.

Qu’est ce qui t’inspire en ce moment ?

Je suis toujours inspiré par mes voyages et venir ici, c’est inspirant parce que je vais voir plusieurs groupes et ça va me donner de nouvelles idées. Ça rejoint ce que je te disais à propos du futur, j’aime beaucoup être surpris, trouver quelque chose qui n'était pas prévu et ensuite me dire “c’était bien”. Les influences je les laisse venir, je ne cours pas après.

Ta dernière grosse surprise ?

Musicalement je ne sais pas… L'année dernière, je me suis retrouvé à penser que Billie Eilish est la Kurt Cobain d’aujourd’hui, les pensées suicidaires en moins. C’est quelqu’un qui a des vraies valeurs et qui peut toucher toute une génération. Moi je suis trop vieux pour ça maintenant… Non c’est faux, mais c’est incroyable de voir une artiste capable d’inspirer tant de gens en bien. Elle est vraiment intelligente et j’espère que cette nouvelle génération sera aussi intelligente qu’elle.

 

Et vous avez ce point commun de travailler en famille. Elle forme un vrai duo avec son frère et toi c’est avec ton épouse.

Quand tu peux travailler en famille c’est mieux ! Tu t'appuies sur les personnes les plus proches de toi, qui te connaissent. Je travaille avec mon épouse dans ma musique et ça me convient parfaitement. Elle est à mes côtés et je peux lui demander “Tu aimes bien ? Tu ferais quoi là ? Tu veux essayer de chanter là-dessus ?”. La musique en famille, entre amis, c'est incroyable. Si en plus tu as une alchimie dans le travail c’est vraiment le pied. 
 

Refs : 

'Balsame' et ‘Balsame Remixes’ disponibles sur Spotify et Bandcamp

Discotexas le label de Xinobi et Moullinex

L'album ‘Mahal’ de Toro y Moi à écouter sur Spotify et Bandcamp

À propos des artistes

Crédit image principale © Discotexas